Transport : abolir les frontières entre tactique et exécution

Avis d'expert

Laurent RECORS, Co-founder et CEO, Sightness
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Pour une entreprise, il est crucial de disposer d’une visibilité et de leviers de performance sur deux échelons du transport : l’opérationnel et le tactique. Dans le contexte de crise du COVID-19, et surtout dans la gestion de l’après, cette double dimension est encore plus importante. Mais est-il vraiment pertinent de séparer ces deux aspects ? Ou mieux vaut-il utiliser ses données transport pour enclencher un cercle vertueux entre eux ?

En temps de crise, focus sur les opérations ?

Lorsque les opérations sont lourdement perturbées, que l’équilibre des flux est fortement compromis et que la capacité vient à manquer, il est certes indispensable de se concentrer sur le maintien à flot du navire. Les outils d’exécution, qu’il s’agisse des TMS, des plateformes de tracking ou de collaboration, ont un rôle capital à jouer dans ce contexte.  Le sondage mené par le cabinet de conseil bp2r* auprès des chargeurs, afin de tirer les enseignements de la crise du coronavirus est d’ailleurs riche d’enseignements sur ce point. Lorsqu’il est demandé aux chargeurs quels outils leur ont été le plus utile pendant la crise, les solutions de tracking arrivent en deuxième position. 53% des répondants qui estiment qu’elles leur ont été bénéfiques pour mieux gérer les retards et les reports. Preuve que de disposer de visibilité opérationnelle est un véritable avantage. Mais, même au plus fort de la crise, ce sont bien les outils de pilotage qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu. Ainsi, 57% des sondés estiment que ce type de solutions les ont aidés à mieux comprendre les perturbations de l’activité. La dimension analytique, tactique, n’est donc pas oubliée même lorsque les priorités peuvent paraître immédiates. Cela s’entend facilement : la période la plus critique d’une crise d’ampleur n’est pas nécessairement son pic. C’est surtout du moment où la poussière retombe et qu’un nouveau paradigme se dessine qu’il faut se méfier. On le sait, cette crise aura des conséquences durables. Au mieux, les volumes seront déséquilibrés plusieurs mois et les opérations mettront également du temps à retrouver leurs marques. Au pire, on va au-devant d’une crise économique majeure susceptible de bouleverser le paysage du transport pour plusieurs années.

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Combiner tactique et exécution : l’enjeu vital de l’après

Comprendre son activité, là où les perturbations se sont concentrées, là où l’organisation en place n’a pas suivi, est un prérequis indispensable pour affronter le futur immédiat. Mais, surtout, une fois les bases construites, il faut être en mesure de réagir rapidement. Les crises sont des périodes chaotiques et imprévisibles, et pas seulement en surface. Autrement dit, les revirements, les faux-départs et les basculements ne se contenteront pas de perturber la bonne tenue quotidienne des opérations. Il existe un risque de changements récurrents et brusques de paradigme. Dans ces conditions, les chargeurs comme les transporteurs devront être en mesure de basculer rapidement d’un schéma d’exploitation à un autre, en fonction de l’évolution erratique de l’offre et de la demande. Il faut être en mesure de saisir très rapidement les fluctuations de l’activité, de réagir en conséquence en modifiant les schémas en place tout en s’assurant de la bonne continuité des opérations. On comprend vite que la séparation nette entre exécution et tactique perd peu à peu de son sens. Dans l’idéal, une organisation transport optimale se définirait par deux caractéristiques complémentaires. Elle disposerait d’une telle connaissance d’elle-même et de son marché qu’elle serait capable d’anticiper les soubresauts et aurait prévu des schémas alternatifs pour y répondre. Ensuite, son agilité lui permettrait facilement de passer de l’un à l’autre sans perturber son fonctionnement. Actuellement, cela pourrait ressembler à de la science-fiction. Mais c’est bien vers cela qu’il faut tendre, ne serait-ce qu’être plus rapide dans des changements d’orientation nécessaires –c’est déjà beaucoup, c’est même vital. Par ailleurs les bénéfices à retirer d’un entrelacement entre tactique et opérationnel n’existent pas qu’en temps de crise. Dans une situation relativement stabilisée, on peut facilement imaginer des applications plus réalistes, possibles dès maintenant.

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Le track and trace : un cas d’école d’opérationnel au service du tactique…

Soyons plus concrets et prenons un exemple précis : celui du track and trace. Il s’agit en théorie d’un sujet hautement opérationnel. On parle en effet de reconstituer le parcours d’une expédition à partir de diverses sources. On peut évoquer la remontée de codes correspondant à des évènements particuliers (scan au départ, à l’arrivée etc…). Les données issues de la télématique véhicule, de la géolocalisation ou de divers capteurs (IoT) sont aussi de plus en plus souvent utilisées. Ces informations peuvent-être utilisées à posteriori pour rechercher un produit disparu, ou en direct pour suivre une expédition, éventuellement constater un retard et notifier le client. Or, il est parfaitement possible d’exploiter ces données de façon un peu plus poussée, en les enrichissant ou en les mettant en perspective. Typiquement, si l’on normalise et que l’on consolide toutes ces remontées d’information, on peut reconstituer un historique exhaustif. Retards, casses, reports et, bien sûr, livraisons conformes et dans les temps : toutes ces informations sont une source immense d’enseignements potentiels. Derrière, en appliquant des algorithmes et du machine learning à ces données consolidées en les croisant avec d’autres informations, une entreprise est potentiellement capable d’identifier les facteurs en cause en cas de défaillance du transport. Dès lors, il est possible de traiter les problèmes sur le fond plutôt que se contenter d’y réagir opérationnellement. Typiquement, éviter de livrer un client A avec un transporteur B à partir d’un site C le jeudi, les expéditions correspondant à ce profil étant le plus souvent en retard. Ou demander à des destinataires de modifier leurs habitudes de commande, celles-ci n’étant pas adaptées au schéma en place. Ici, l’exécution a nourri la compréhension de l’organisation et la possibilité de procéder à des réorientations tactiques.

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Mais aussi de tactique au service des opérations

Mais cette relation n’est pas à sens unique. Car, une fois que l’on a parfaitement cerné le fonctionnement de son organisation, il devient possible de faire cette fois descendre la tactique dans l’exécution. L’historique reconstitué, dans notre exemple du track and trace, permet clairement d’identifier dans le parcours des expéditions des seuils au-delà desquels on peut raisonnablement estimer qu’elles seront en retard. Dès lors, il devient possible d’évaluer en direct le risque de retard et de réagir en conséquence, auprès du transporteur comme du client. Ajoutons à cela les facteurs explicatifs des anomalies que nous évoquions plus haut. De la gestion du risque en direct, on passe dès lors à son anticipation. Avant même qu’une expédition parte, la probabilité d’un retard peut être évaluée grâce à la présence ou non de circonstances généralement problématiques – y compris des facteurs externes comme la météo ou le trafic. On peut même parfaitement imaginer un système de réallocation automatique guidé par l’IA, qui permettrait de faire basculer l’expédition en question vers un autre scénario – par exemple un transporteur différent ou même un report – afin d’éviter l’obstacle. On le comprend, la maille tactique et opérationnelle sont donc parfaitement complémentaires. On parle souvent d’abattre les silos, dans la supply chain au sens large et dans le transport en particulier. Entre les enjeux, de coûts, de qualité de service et d’émissions de GES ; les fonctions, supply, opérations, commerce, finance et RSE ; les échelles, opérationnelles et tactiques, mais aussi stratégiques, ne doivent pas faire exception.

*bp2r est à l’origine de la solution Sightness

En savoir plus : www.sightness.com


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