De l’artisanat à l’industrie : l’explosion des nouveaux véhicules de livraison urbaine … ou 50 nuances de verdissement

Avis d'expert

Olivier Dutrech, Directeur Innovation de Fraikin
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Fraikin article blog

En affichant l’ambition d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, l’Union Européenne déploie un véritable rétroplanning dans les différents états membres.

2035, ça y est la date est gravée dans le marbre européen. A compter de cette année-là, il sera interdit de vendre des voitures et véhicules utilitaires légers neufs à essence et diesel, au profit de véhicules uniquement 100% électriques. Une réglementation pour les poids lourds est attendue très prochainement dans le même esprit.

On peut également identifier plusieurs sujets qui impactent directement les enjeux de la livraison urbaine :

  • la démographie : avec plus de 80 % de la population qui se trouve en milieu urbain, les flux logistiques et humains vont continuer de s’accroitre ;
  • la santé public : on estime que 50 000 morts sont liés à la pollution de l’air (polluants locaux). De même, la pollution sonore est également de plus en plus prise en compte ;
  • l’écologie : le réchauffement climatique est directement lié à notre capacité à maitriser les GES (Gaz à Effet de Serre), principalement le CO2 (Dioxyde de carbone) et le CH4 (Méthane) ;
  • l’énergie : l’épuisement progressif des énergies fossiles (peak oil) va imposer de repenser durablement notre rapport aux énergies (disponibilité, performance et prix) ;
  • la mobilité : on observe une multiplication des mobilités douces. Ces dernières doivent trouver leur place dans le paysage urbain qui n’a pas été conçu à l’origine pour une telle densification des usages.

« Comment passer du gris au vert ? »

On pourrait penser que l’équation est simple : comment passer du gris (les énergies fossiles) au vert (l’électrique) ? La réalité nous impose plus de pragmatisme et de nuances. Parlons plutôt de 50 nuances de verdissement !

On peut analyser la situation sous trois angles complémentaires

Les alternatives au Diesel pour décarboner la livraison en ville

On raisonne dans cette logique de 50 nuances de verdissement, selon la capacité de décarboner partiellement ou totalement les véhicules.

En effet, il existe actuellement plusieurs alternatives au diesel (qui restera malgré tout une énergie majoritaire pour les véhicules de livraison urbaine). A titre d’exemple, on peut citer des solutions comme l’essence, voire l’E85  – mais l’offre des constructeurs reste encore très restreinte -, les bio diesels, comme le B100 (issus du Colza ou des huiles usagées) offrent des perspectives intéressantes en matière d’impact sur le CO2, tout en gardant des véhicules thermiques, ou encore les alternatives telles que les HVO (Huile Végétale Hydrotraitée) ou XTL qui restent des solutions à étudier. Il faut néanmoins garder à l’esprit, comme pour le B100, que l’approvisionnement de ces carburants ne peut se faire que par des cuves directement installées sur les sites, puisqu’ils ne sont pas disponibles en station-service.

Evoquons également, le GNC (Gaz Naturel Comprimé) qui reste une alternative offrant une réduction des émissions de CO2, particulièrement dans le cadre du bio GNC. C’est notamment sur cette énergie que la filière porte un intérêt, particulièrement pour une mobilité lourde (qui aura toujours sa place dans la livraison urbaine). Enfin, l’énergie électrique est idéale pour la livraison du dernier kilomètre, sous réserve que l’autonomie du véhicule corresponde bien aux usages des transporteurs. L’énergie électrique impose aussi une étude sur le potentiel d’électrification des bases logistiques et des bornes adressables. C’est bien sur ce segment que l’on trouve la dynamique des lancements de véhicules utilitaires comme poids lourds. Et l’hydrogène me direz-vous ? Elle apporte une valeur ajoutée si elle est produite via une source d’énergie renouvelable ou faiblement carbonée, on parle alors d’hydrogène vert.

Ainsi la filière se structure en réseaux d’avitaillement et en véhicules, mais il faudra attendre quelques années avant d’atteindre une véritable maturité. Le rétrofit, cette action qui consiste à transformer un véhicule thermique en énergie alternative (électrique, gaz ou hydrogène), est également une piste à fortement étudier, car elle s’inscrit dans une logique d’économie circulaire. Sous réserve de pouvoir adresser le marché de façon large avec des homologations sur l’ensemble des modèles et des solutions d’entretien disponibles, il représente une très belle alternative à suivre.

Optimiser le recours aux véhicules de livraison urbaine

Deuxième angle d’analyse : optimiser le recours aux véhicules et à leur efficacité. Les enjeux de la livraison urbaine sont une excellente occasion d’affiner son plan de flotte et son dimensionnement : parle-t-on d’un besoin constant ou d’une saisonnalité dans la gestion des flux logistiques ? Dans la même logique, la définition des véhicules trouve tout son sens : faut-il privilégier la massification des flux avec des volumes importants acheminés avec des camions ou plutôt cibler de micro capacités de chargement pour gagner en flexibilité ? La réponse se situe sûrement entre les deux, l’usage des camions et des utilitaires est complémentaire.

Dans le domaine du verdissement, on dit régulièrement que le kilomètre qui émet le moins est celui qui n’est pas parcouru. Les logiciels de gestion et d’optimisation de tournées sont des parfaits outils. Le recours à l’intelligence artificielle permet de tester de nombreux scénarios et prend en compte les aléas de la livraison en temps réel. On peut parler de gains de l’ordre de 30 % en termes de productivité selon certains métiers.

« La formation à l’éco conduite et la conduite des véhicules à énergies alternatives est un gage d’économie et de verdissement »

Une attention particulière autour du conducteur est également une piste intéressante. Il existe deux thématiques importantes avec les enjeux de la livraison urbaine : la consommation et la sécurité. La formation à l’éco conduite et la conduite des véhicules à énergies alternatives est un gage d’économie et de verdissement en optimisant la consommation. On peut observer jusqu’à 40 % de différence avec du personnel formé, l’effet de levier est énorme.

L’autre thématique concerne la sécurité, ce sujet est important autant en situation de conduite qu’en situation de chargement ou déchargement. Il existe trop d’accidents qui peuvent être évités avec une sensibilisation et les bons dispositifs, le facteur humain reste prépondérant. Le développement de nombreuses formes de mobilités douces est particulièrement importante à prendre en compte pour une cohabitation plus harmonieuse sur la route.

Une multitude de solutions et d’acteurs sur le marché de la livraison

Pour terminer cette approche en 50 nuances de verdissement il faut aussi parler des nouveaux entrants. Nous avons d’un côté les constructeurs européens « traditionnels » qui proposent une offre de plus en plus importante de véhicules à faibles impacts et de l’autre de nouveaux acteurs. Parmi eux, des nouveaux constructeurs européens proposant des véhicules particulièrement adaptés à la livraison urbaine : Volta avec son poids lourd ou Arrival. En parallèle, des constructeurs américains (Brighdrop, Nikola …) ou asiatiques (Hyundai, Maxus …) sont également en lice pour venir sur nos marchés.

Enfin, nous parlons des « véhicules » depuis le début de cet article, mais il faut aborder les nouveaux canaux de livraison qui commencent à se mettre en place.

« la cyclo-logistique en est l’une des meilleures illustrations de l’innovation parmi les nouveaux véhicules de livraison urbaine »

La situation est très hétérogène : certains sont encore en phase très expérimentale, mais on trouve aussi des solutions très avancées. A ce titre, la cyclo-logistique en est l’une des meilleures illustrations de l’innovation parmi les nouveaux véhicules de livraison urbaine. Cette filière se développe extrêmement rapidement et offre des perspectives en capacité de gestion des flux de livraison, y compris sur des charges lourdes pouvant atteindre 300 kg de charge utile. Cette solution permet ainsi de profiter des infrastructures des villes dédiées aux vélos, notamment les pistes cyclables, de bénéficier d’une vitesse commerciale supérieure aux véhicules à 4 roues, tout en étant excellente écologiquement.

En parallèle, de nouveaux modes de livraison sont régulièrement cités : la livraison par voie fluviale, l’utilisation des trams ou des métros … Finalement l’histoire n’est qu’un éternel recommencement, ces modes ayant déjà été utilisés par le passé.

Et de nouveaux modes de livraison sont à prévoir dans les années à venir. Citons par exemple la livraison par les airs via des drones, qui est actuellement testée aux États-Unis et en France. On parlera aussi des expérimentations de plus en plus fréquentes des véhicules autonomes de toutes tailles. Néanmoins, il ne faut pas imaginer une massification fulgurante. À ce stade, il est déjà nécessaire de trouver les bons cas d’usage et la résolution de nombreuses questions techniques, sociétales, réglementaires et économiques avant d’envisager un déploiement dans nos centres villes.

« il est urgent d’agir pour initier et amplifier le verdissement des flottes de véhicules »

Pour conclure, il est urgent d’agir pour initier et amplifier le verdissement des flottes de véhicules. Cette logique doit impérativement être globale pour être bénéfique à tous. La livraison urbaine est une parfaite illustration des nombreuses solutions qui apparaissent et où l’innovation est un excellent moyen pour aller plus loin, plus vite.


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