Le véhicule autonome fait parler de lui régulièrement avec des effets d’annonce puis avec des vagues de tests et de retours d’expérience. Ces derniers mois les constructeurs se montrent plus prudents et mesurés sur le thème.
Quels sont les 6 niveaux d’autonomie des véhicules ?
L’approche autour des voitures et des camions autonomes est abordée sous des prismes différents et ne suit pas le même rapport au temps en terme de déploiement.
L’évolution vers la voiture autonome se concrétisera en étant fortement orientée vers le monde du contenu, particulièrement celui du divertissement / de l’entertainment ainsi que vers une logique orientée « mobilité » de type MAAS (Mobility As A Service).
Et du côté du camion autonome ?
On distingue une évolution différente qui sera portée, fort logiquement, vers un usage orienté métier.
Quels usages ?
Pour devenir une alternative crédible le camion autonome doit être en mesure à terme, de réaliser trois grands types de missions, on peut distinguer :
- Dans un premier temps des usages spécifiques dans des milieux fermés : en intra-site, ports, mines, aéroports …
- Puis dans un second temps la conduite sur les grands axes. Les véhicules sont conduits par les conducteurs « humains » jusqu’à leur insertion sur les voies rapides / autoroutes (où une conduite autonome est facilitée).
- Et enfin l’étape la plus complexe : la livraison en milieu urbain qui est caractérisée par une forte densité entre les véhicules et les êtres humains, des infrastructures très disparates (mobilier urbain, route dégradée …), une hétérogénéité de commerces et de particuliers à livrer qui impactent les marchandises transportées et donc le carrossage.
Une fois ces missions parfaitement maitrisées les véhicules pourront être totalement autonomes.
Quelles sont les dernières expérimentations connues à date en Europe ?
- Les premiers tests de conduite de camions interconnecté en convois, appelé couramment platooning, vont bientôt débuter en France dès la publication du décret qui l’autorisera. Ce modèle préfigure à terme une utilisation concrète de véhicules conduits de façon autonome avec des gains de consommation, de sécurité et de distances parcourues (les temps de conduite devraient être logiquement allongés lorsque le véhicule sera en mode automatique)
- Le groupe Stora Enso, leader mondial dans la production de papier, teste un camion autonome pour effectuer des rotations pour transporter de copeaux de bois. L’objectif est de mesurer les avantages environnementaux, économiques et en terme de sécurité.
- Le groupe Daimler teste de son côté ses véhicules pour un usage en situation de déneigement de son centre d’essai. « De façon plus large la technologie pourra être utilisée dans un premier temps dans les opérations portuaires ou de stockage ou même dans les exploitations agricoles »
Une nouvelle chaine de valeur et de nouveaux services ?
C’est toute une nouvelle forme de revenus qui va apparaitre également avec la fourniture et la mise à jour des logiciels, la fourniture de contenus/services et la monétisation des données collectées. On sait aujourd’hui que les décisionnaires et les utilisateurs valorisent le conseil et l’accompagnement dans le cadre du financement et l’exploitation des véhicules. Il est vraisemblable qu’ils feront partie intégrante de la nouvelle chaine de valeur qui va se mettre en place. Plus un véhicule est complexe plus les services associés pour en optimiser son usage gagnent en valeur.
A terme quelles sont les solutions de financement pour un véhicule autonome ?
C’est une réflexion qui revient régulièrement entre l’achat et la location. Ce dernier mode de financement présente un intérêt dans le cas de nouveaux modèles technologiques : il permet entre autre de sécuriser les choix des décideurs en permettant une externalisation de la gestion du risque tout en bénéficiant, selon les contrats, de services autours du véhicule. Cela permet de faciliter une vision sur le TCO (le cout de détention) autours de ce type d’asset. On peut pousser la réflexion en se demandant si le paiement à l’usage / pay per use sera devenu la référence ou si nous resterons sur un traditionnel abonnement / loyer mensuel.
Comment entretenir ces véhicules ?
Véritable révolution depuis des années dans les ateliers, les véhicules ne cessent de se moderniser. Les nouvelles technologies et énergies (gaz, électrique voir hydrogène …) impliquent de diversifier les compétences nécessaires pour gérer une flotte de véhicules. Les camions tombent de moins en moins souvent en panne pour des raisons mécaniques mais plutôt pour des raisons électroniques. Aujourd’hui sans une valise de diagnostic vous ne pouvez plus entretenir de flottes, encore plus si elle est multi-marques (multi-générations …). Les véhicules sont multiplexés, interconnectés avec de nombreux systèmes connexes rajoutés en plus des équipements d’origine. Demain les véhicules autonomes vont pousser encore plus loin le sujet. Il est impératif d’anticiper cette mutation dans le cadre de la gestion prévisionnelle des compétences pour accompagner cette mutation des besoins sur un métier déjà en tension et qui peine à attirer (malgré des perspectives prometteuses).
Quels sont les obstacles / freins pour les véhicules autonomes ?
- L’acceptabilité sociétale / sociale : dans un monde qui s’automatise sans cesse il y a une frontière technique mais il y aussi une frontière sur ce que la société est prête à accepter. Les derniers accidents mortels montrent que la population n’est pas prête à accepter la généralisation des véhicules autonomes, on parle même d’anxiété aujourd’hui.
- L’impact humain : une étude estime que les véhicules autonomes menaceraient directement l’emploi de 2 millions d’américains. Joseph Schumpeter parle bien de « destruction créatrice » avec le progrès mais n’oublions pas les personnes qui seront directement impactée. Quelle sera la capacité de nos sociétés à proposer une reconversion à ces populations impactées ? De même nous aurons toujours besoin de l’être humain pour charger et décharger un véhicule. Le lien commercial réalisé par le conducteur au moment des livraisons reste à valoriser, à terme cela sera peut-être même un axe de différenciation concurrentiel.
- La fiabilité : la conduite autonome est une technologie particulièrement pointue. Elle nécessite l’usage de capteurs (lidars, radars…) qui doivent être en mesure de fonctionner en tous temps et toutes conditions, une parfaite maitrise de l’intelligence artificielle et une infrastructure robuste pour échanger les données (la 5G va permettre d’avancer sur le sujet).
- La cybercriminalité : il sera nécessaire de renforcer la sécurité informatique autours des véhicules autonomes. Citons trois exemples de nouveaux risques inhérents qui montre la criticité du sujet: le mouse jacking ou vol à la souris, la modification / le brouillage / le détournement des données, et enfin la prise de contrôle à distance du véhicule
- La responsabilité : d’un point de vue réglementaire et aussi assurantiel, nos pratiques et doctrines ne sont pas encore en phase avec les évolutions attendues. Il n’y a pas de consensus aujourd’hui. Par exemple en cas d’accident qui sera responsable : le fabricant du véhicule, du logiciel, le conducteur ?
- L’accessibilité économique : pour se démocratiser le véhicule autonome devra démontrer sa pertinence économique dans une logique globale. Cela reste comme pour chaque innovation le sésame pour s’imposer comme solution durable.
Quels sont les atouts / leviers pour les véhicules autonomes ?
- Humain : il existe aujourd’hui une véritable pénurie autours des conducteurs de poids-lourds, c’est un métier sous tension. Bien qu’ayant largement progressées, les conditions de sécurité et de pénibilité sont encore un vrai sujet. Dans les milieux de conduite les plus dangereux (mines …) cela sera un véritable progrès.
- Economique : le « coût humain » (salaire chargé du conducteur, formation, encadrement…) représente un des postes les plus importants dans le coût du transport. On estime également que la consommation d’un véhicule autonome devrait être inférieure à celle d’un être humain à terme. Il n’existe pas de restriction en terme de temps réglementaire pour les machines. L’usage du véhicule pourra être poussé au maximum de son potentiel.
- Un puissant écosystème avec des moyens financiers : les enjeux économiques sont énormes et toute une filière s’est constituée autour des constructeurs, les éditeurs de logiciels, de contenus, de services en ligne, d’infrastructures, d’objets connectés.
Pour conclure, bien malin est celui qui peut prédire quand les véhicules autonomes seront une réalité dans notre vie courante. Véritable manne le marché du véhicule autonome pourrait représenter plus de 500 milliards d’euros à l’horizon 2035 mais il existe néanmoins encore de nombreux obstacles à lever. L’accessibilité économique et sociale sont encore très complexes avant d’aboutir à un modèle adressable à tous. Le COVID19 montre également la vulnérabilité de nos organisations aujourd’hui et l’importante cruciale voir vitale du monde du transport. Il va surement accélérer la prise de conscience sur l’importance du rôle joué par les chauffeurs et sur le fait que peut représenter l’opportunité d’avoir des véhicules autonomes à terme.
Consulter tous les articles « Avis d’expert » sur le blog de SprintProject