Des batteries de seconde vie au service du réseau électrique 

Avis d'expert

Salim EL HOUAT, Président chez Mob-Energy
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Un monde décarboné = un monde 100% électrique

Lorsqu’on parle de « décarboner notre monde », on oublie de parler de l’électrification massive qui nous attend. La fin des énergies fossiles et des engins thermiques nous emmène inévitablement vers un monde « 100% électrique ».

Prenons la mobilité par exemple : responsable de 31% des émissions de gaz à effets de serre en France, il est urgent d’apporter une réponse immédiate et forte. Le véhicule électrique est une première étape possible. Mais on parle assez peu de l’envers du décor lié aux centaines de milliers de bornes à très courts termes en France pour pouvoir l’adopter.

Et une borne consomme, beaucoup. Beaucoup de cuivre, mais aussi beaucoup de puissance.

Cette puissance électrique est mise à disposition par des opérateurs du réseau électrique : d’abord, entre les centrales de productions énergétiques et les villes (schématiquement), grâce à RTE en France, et ensuite jusqu’à chaque bâtiment, grâce à Enedis en France.

Mais les bornes de recharge ne sont pas une « simple prise » : elle demande, chacune, des travaux lourds et des raccordements importants. Alors même que nous ne sommes qu’au début de cette « électrification » (à peine plus d’1M de véhicules électriques et hybrides, soit moins de 5% des véhicules électrifiés), la puissance vient déjà à manquer sur de nombreux parkings. Et pour cause :

Le Saviez-Vous : un appartement en ville a traditionnellement une puissance souscrite de 6kW. 6kW, c’est la puissance d’une borne dite « normale » : on récupère à peu près 40km d’autonomie en une heure de charge. Brancher une borne « normale » sur une place de parking revient donc à « créer » un nouvel appartement du point de vue du réseau, sur la place.

Pour compléter le constat, il faut noter qu’il y a, en réalité, deux phénomènes qui s’additionnent dans l’électrification imposée par notre mode de décarbonation :

  • De nouvelles consommations électriques : comme les véhicules électriques, et leurs bornes… 
  • Mais aussi, de nouvelles productions électriques : liées à la production d’énergies renouvelables, qui doivent elles aussi être raccordées au réseau électrique.

L’un comme l’autre créent une pression très importante sur le réseau électrique. Et parfois, tirer les câbles ne suffit pas. C’est là qu’intervient la batterie Lithium-Ion.

La batterie Lithium-Ion au service du réseau électrique

Depuis son industrialisation dans les années 90’, et malgré sa complexité – liée à l’électrochimie inhérente à chaque pile – la batterie Lithium-Ion s’est imposée comme une technologie fiable et performante.

Au-delà de son utilité pour les systèmes embarqués (ordinateurs, téléphones, voitures électriques…) la batterie électrochimique s’est retrouvée, depuis une quinzaine d’années, dans un univers bien particulier : celui du soutien au réseau électrique.

Dans l’univers des batteries au service du réseau, on distingue deux secteurs :

  • Batteries « Behind-The-Meter » (BTM): des batteries de “relativement” petite taille, installées directement au sein d’un bâtiment, « après le compteur ».
  • Batteries « In-Front-of-the-Meter » (FTM), ou « Utility-Scale » : des batteries industrielles, installées en amont des compteurs, directement raccordés aux lignes de transport de l’électricité (géré par RTE, par exemple).

Les Batteries « FTM »

Depuis une vingtaine d’années, d’énormes unités de stockage énergétique « FTM » sont déployés sur des sites de productions d’énergies renouvelables. Leur utilité est multiple :

  1. Maximiser le rendement des unités de production renouvelables, souvent intermittentes ;
  2. Participer à des services de régulation du réseau électrique, en fréquence par exemple
  3. Apporter des facilités de « connexion » au réseau électrique : en jouant le rôle de ligne Haute Tension virtuelle (« Virtual Power Lines »)

Source : Energy Central

Avec l’émergence de ces solutions, de nouveaux métiers sont aussi apparus : les agrégateurs. Depuis une dizaine d’années, ces acteurs « agrègent » des batteries pour en faire des « Virtual Power Plan » (VPP, toujours et encore des acronymes…). Ces agrégateurs développent des algorithmes capables de participer à plusieurs services, plusieurs marchés… A l’instar de l’Autobidder de Tesla.

Le Saviez-Vous : les Utility-Scale batteries interviennent dans le cadre de phénomènes souvent inconnus du grand public. Par exemple, elles permettent de réduire l’effet négatif des pics de production journaliers de centrales solaires. On appelle ce phénomène la « Duck Curve », et plutôt que de l’expliquer à l’écrit, je vous invite à regarder ce contenu, bien plus parlant. Autre phénomène : le « Black Start », nom donné à la procédure visant à remettre sur pieds un réseau électrique après une panne complète. Vous pouvez en savoir plus sur un projet mené par Enedis .

Les Batteries « BTM »

En parallèle de ces grosses batteries industrielles, des batteries plus petites, plus intégrées à l’univers urbain, se développent directement dans les villes. Elles sont installées « après le compteur électrique » et jouent sensiblement le même rôle que les grosses batteries, mais de manière distribué / décentralisé.

Initialement, les batteries « BTM » étaient principalement déployées pour des services de back-up énergétique : des batteries capables de s’activer très rapidement pour prendre le relais en cas de blackout, notamment sur des installations critiques (datacenter, antenne de télécommunication…). On parle, à tort, « d’onduleurs », dans le milieu.

Mais avec l’avènement massif des panneaux solaires (x5 en 10 ans, cf. graphique ci-dessous), la batterie BTM s’est développée dans la logique économique : faire réduire la facture d’énergie :

  1. Solution de stockage « tampon » pour des panneaux solaires : une batterie capable de stocker (puis de restituer) le surplus de production énergétique, et donc d’en profiter;
  2. Stocker des énergies en heure creuse, pour les réutiliser en journée.

Source : France Territoire Solaire (basé sur les chiffres d’Enedis et RTE)

Mais dans un contexte où la puissance vient à manquer, l’utilité d’utiliser des batteries pour renforcer le réseau électrique localement (microgrids). La notion de « Virtual Power Lines » prend alors tout son sens.

Prenons un exemple : une entreprise souhaite installer 20 bornes de recharge sur son parking. Il lui faut allouer 20 x 7kW : 140kW[1]. Le problème, c’est que le bâtiment n’a plus de puissance disponible et doit en débloquer. Plutôt que de se lancer dans de nouveaux travaux de création de puissance, l’entreprise peut déployer une unité de stockage qui, en plus de stocker des énergies possiblement moins chères, peut aussi apporter une puissance additionnelle au réseau.

Source : Mob-Energy

C’est cette utilité qu’on retrouve dans le cube de puissance Eiko : une solution que nous avons conçue. Le cube Eiko est un système de type « Batterie BTM » : il contient jusqu’à 150kWh de batterie et s’interconnecte à des points de charge. Il peut délivrer jusqu’à 60kW de puissance grâce à l’énergie qu’il stocke lorsque les véhicules ne sont pas là. La batterie sert donc de capacité en puissance.

Source : Mob-Energy

Avec le cube Eiko, il est possible de déployer plus rapidement, avec 3x moins de cuivre, quasiment aucun génie civil et 10x moins de puissance allouée sur le réseau du bâtiment. Eiko constitue donc une véritable « Battery Behind-The-Meter », qui base son fonctionnement sur trois piliers :

  1. Une architecture électrique locale repensée, avec des bornes interconnectées en série et une répartition avancée des charges par borne, permettant de minimiser la puissance allouée sur le bâtiment
  2. Du stockage énergétique, pour emmagasiner de l’énergie lorsque les véhicules ne sont pas là, (et souvent moins chère, avec les tarifs heures creuses par exemple)
  3. Une connaissance des besoins énergétiques de chaque usager, ainsi que leurs temps de stationnement, pour pouvoir piloter sérieusement les deux sources énergétiques : le réseau d’une part et la batterie de l’autre.

Batteries : oui. Mais de Seconde Vie.

Les batteries lithium-ion, qu’elles soient de taille significative (FTM) ou plus petite, intégrées dans des bâtiments et installations urbaines (BTM), sont une clé pour accélérer l’électrification de nos activités.

Mais, la batterie a un coût : financier et environnemental.

Alors que les minerais sont extraits principalement en Australie, en Argentine ou en encore République Démocratique du Congo, les cellules (les piles) sont quasiment toutes fabriquées en Chine et en Corée du Sud. 75% de l’empreinte carbone d’une batterie automobile fraichement produite se construit sur ces phases là, pour atteindre environ 70kg d’eCO2 / kWh.

Avec l’avènement du véhicule électrique, une quantité phénoménale de batteries usagées se retrouve sur le marché : batteries trop vieilles pour continuer leur vie automobile, soit accidentées, soit finalement inadaptées (défaut, rappels, tests…). Pour autant, elles peuvent tout à fait être adaptées à des applications de soutien réseau.

C’est dans ce contexte qu’il devient urgent de les reconditionner, de manière industrielle.

C’est le cas notamment de Mob-Energy, qui a décidé de fabriquer ses cubes de puissances Eiko en se basant exclusivement sur le réemploi de batteries usagées.

Source : Mob-Energy

En conclusion

  • Un monde décarboné, c’est un monde bien plus électrique qu’aujourd’hui. Et développer le réseau électrique pour répondre aux nouveaux besoins (1) et aux nouvelles productions (2) n’est pas trivial.
  • Les batteries, notamment lithium-ion, peuvent servir à renforcer le réseau. Elles peuvent notamment jouer le rôle de « Virtual Power Lines » et éviter d’avoir à déployer de nouvelles lignes haute-tension.
  • On les classe en deux catégories : les batteries industrielles « Utility-Scale », situées avant les compteurs et directement connectées au réseau de RTE, et les batteries plus urbaines, « Behind-the-Meter », installées directement chez le particulier ou chez l’entreprise.
  • Quand il s’agit de déployer des bornes de recharge par exemple, des solutions comme Eiko sont un exemple clé : une batterie de 150kWh connectée à une grappe de borne en série, et capable de faire fonctionner 20 points de charge avec 10 fois moins de puissance et 3 fois moins de cuivre.
  • Enfin, le reconditionnement en batteries de seconde vie est un volet absolument vital de la généralisation des batteries au service du réseau : en plus d’abaisser les coûts, cette approche circulaire permet de diminuer fortement leur empreinte carbone.

[1] En réalité, les bornes ne fonctionnent jamais en même temps, ni à puissance maximale. Mais il faudra discuter de ce sujet dans un autre article…


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