Les modèles économiques de l’E-commerce alimentaire, à part quelques rares exceptions, n’atteignent pas la rentabilité. Notamment ceux qui reposent sur la livraison à domicile dans les zones urbaines.
Parallèlement, les villes qui sont légitimement à la recherche de « respiration », modifient brutalement les flux routiers en limitant les accès principaux et en priorisant les trajets en transport en commun, à pied et à vélo.
Pour autant, le client urbain se tourne de plus en plus vers l’achat digital et la croissance du E-commerce alimentaire qui était déjà forte, portée par le Drive, a explosé pendant la crise du Covid.
Il faut donc trouver des solutions qui puissent répondre aux attentes des consommateurs, tout en assurant la rentabilité des commerçants et l’objectif des villes de limiter le trafic et les nuisances provoquées par les livraisons.
1. L’ essor du E-commerce alimentaire
Pour la première fois, l’e-commerce des produits de grande consommation (PGC) a connu une formidable accélération : +42 % en 2020. Les données de 2021 confirment cette tendance avec une croissance de + 7 %. 2022, qui suivra le même rythme.
Mais la complexité des opérations logistiques en zone urbaine reste une limite à la soutenabilité de cette croissance.
La période Covid a provoqué le développement de nouvelles activités E-commerce comme celle du Quick Commerce… mais à quel prix ?
Ces entreprises ont organisé des levées colossales sur les marchés financiers et ont créé des modèles opérationnels totalement désoptimisés, basés sur la promesse d’une livraison des produits alimentaires en moins de 15 minutes, entraînant une réaction des élus à barrer ce modèle avec de nouvelles législations (attention aux dommages collatéraux…).
Peut-on créer un modèle vertueux pour livrer une plaquette de beurre et un pack d’eau en moins de 15 minutes quand ce délai réduit va à l’inverse de la massification et la consolidation des flux ?
Le modèle du Drive, ne peut lui pleinement se développer dans les zones urbaines et pour plusieurs raisons. D’abord par manque de place, d’emplacements mais aussi car il rentre de moins en moins dans les aspirations des clients consommateurs urbains qui utilisent de moins en moins leur véhicule automobile.
La livraison à domicile peut constituer une solution, mais la difficulté est double, avec la rentabilité du modèle et les nuisances qu’elle entraîne. L’accroissement rapide du volume de livraisons, avec une augmentation de 36% du nombre de véhicules dans les centres-villes d’ici à 2030, entraînera plus de pollution atmosphérique, d’émissions de gaz à effet de serre et d’embouteillages. La livraison à domicile doit, par conséquent, démontrer sa capacité d’évolution et de transformation vers un modèle durable et décarboné.
Le modèle économique est complexe, difficilement rentable et l’uberisation est souvent utilisée lorsque l’on ne trouve pas le bon modèle de coût opérationnel, car on transfère cette optimisation que l’on n’a pas réussi à réaliser, vers le livreur qui est payé à la tâche.
On connait les impacts néfastes de ce type de stratégie et il faudra revenir à des modèles plus sérieux avec un client final qui paye la une livraison effectuée professionnel dans un cadre social protecteur. De même l’automatisation des processus opérationnels sur toute la chaîne logistique et jusqu’à la remise client doit permettre un haut niveau de service, la création de nouveaux métiers à forte compétence technique et la rentabilité nécessaire de la livraison.
2. Les consommateurs urbains veulent un service de qualité et durable
Le rapport d’une étude marketing mené par le cabinet COGISION en Avril 2021 présente une analyse approfondie des comportements, des attitudes et des expériences des consommateurs à l’égard des achats en ligne de produits alimentaires.
Cette étude montre sur 600 consommateurs parisiens interrogés que :
- 90% veulent une solution de course accessible qui simplifie l’acte d’achat et facilite la vie
- 89% veulent gagner du temps sur l’acte d’achat
- 75% accordent un intérêt particulier au sujet de la logistique décarbonée et sans nuisance
- 72% recherchent des offres de prix plus attractifs
- 65% recherchent une gamme d’offre (nombre de SKU disponible) plus étendue
- 64% recherchent des offres de promotions plus fréquentes et plus importantes
Parallèlement à ces éléments, le consommateur urbain est d’abord un citoyen qui accorde un intérêt particulier à la qualité de son cadre de vie.
Dans une ville où l’accent est mis sur le développement des mobilités douces et la recherche d’une ville apaisée, la croissance exponentielle du e-commerce induit des nuisances urbaines qui ne peuvent rester sans solution.
3. Massification et consolidation des flux, la promesse d’une logistique durable
Une solution de logistique urbaine durable pour l’e-commerce alimentaire doit se baser sur deux principes fondamentaux : la massification ou mutualisation des flux multi acteurs et la consolidation des flux de livraison sur un point de retrait.
Cette massification est un point essentiel car, alors que chaque acteur marchand n’utilise que son réseau et ses moyens dédiés, ici les moyens sont partagés et les camions sont optimisés dès le « first mile ».
L’autre élément essentiel d’une logistique durable est la consolidation sur un point de livraison car il évite les moyens et les coûts de livraison des derniers mètres. C’est le client qui vient chercher les courses à pied ou en vélo.
D’ailleurs les utilisateurs recherchent de plus en plus des solutions de points de retrait de proximité et les pickup points sont de plus en plus utilisés par les ménages pour les achats en ligne. La marche à pied est le premier mode de déplacement à Paris et en petite couronne (52 %, +9 %), suivi de la voiture particulière (37 %) et des déplacements en transports en commun (12 %).
En comparaison entre le modèle de livraison à domicile et celui du point de retrait, l’impact positif sur l’environnement est net.
Pour les villes, le réseau de points de retrait permet :
- La consolidation des flux sur un seul point de livraison et la mutualisation multi acteurs qui permet de limiter considérablement les déplacements des véhicules privés et des véhicules de livraison dans les grandes villes, notamment lors des chargements/ déchargements.
- L’optimisation des trajets qui induit un taux de remplissage plus élevé des véhicules de livraison et la centralisation du stockage en périphérie des villes, évitant la multiplication des moyens.
- La limitation du stationnement non-autorisé et le blocage des rues par des camions de livraison à domicile réduisant les nuisances pour les habitants.
- La limitation de l’utilisation d’une voiture particulière.
La révolution digitale c’est aussi donner un outil aux commerces locaux pour développer leur offre. Là encore le point de retrait doit jouer un rôle moteur et peut être utilisé par ces derniers en point de livraison hors horaires d’ouverture de leur magasin, et même pour étendre leur périmètre de vente.
Le réseau de points de retrait, compte tenu de tous ses bénéfices, pourrait dès aujourd’hui être considéré comme un réseau d’intérêt public.
4. Le point de retrait personnalisé, c’est l’avenir du e-commerce
Le client moderne est devenu protéiforme. En fonction de sa situation, de ses aspirations, de la période de l’année, il doit pouvoir choisir entre les solutions d’achats offline, de solution de livraison à domicile ou en points de retrait.
Les derniers mètres de livraison sont les plus coûteux. La LAD a toute sa place, surtout quand elle sait s’adapter aux exigences sociales et environnementales, mais elle aura ses limites pour répondre à la croissance du E-commerce.
Les difficultés pour circuler dans les villes imposent de revoir avec volontarisme les modes de livraison, en les décarbonant d’abord mais aussi en les rationalisant.
Avec les solutions de points de retrait automatisé, il accède simplement et rapidement à une meilleure offre, proposant une gamme de produits plus étendue mixant les produits de ses retailers et de ses marchands locaux favoris. Il redevient actif dans l’acte d’achat E-commerce en venant collecter ses courses à pied ou en vélo.
Le centre-ville redevient le lieu de vie dans lequel, tous les habitants peuvent faire l’expérience d’un retrait simplifié dans leur parcours de vie du quotidien (en sortant de l’école, du métro, de la salle de sport, du bureau). C’est le concept de la ville du quart d’heure qui prône l’hyper proximité urbaine comme levier d’amélioration de la qualité de vie et la réduction des transports carbonés.
Le marchand peut proposer une solution opérationnelle qui lui assure la rentabilité de son modèle E-commerce et surtout une solution qui allie le digital et le point physique. C’est la digitalisation de l’acte d’achat sur le web qui induit une meilleure fidélisation.
La logistique urbaine est devenue une dimension essentielle dans la ville. Elle doit innover, être respectueuse des nouvelles envies urbaines que sont la proximité, l’environnement et le bien-être social.
Sources :
Etude cabinet Logicity : https://logicites.fr/
https://www.sustainability-report.delipop.com/wp-content/uploads/2022/07/Delipop-rapport-FR.pdf
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