Vers une estimation temps réel de l’impact environnemental des chantiers grâce à la traçabilité des flux…

Avis d'expert

Cécile VILLETTE, CEO d’ALTAROAD
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Le BTP fait partie des secteurs aux impacts les plus forts en termes de production de déchets et de consommation de ressources naturelles. A l’échelle européenne, le BTP génère à lui seul un tiers des déchets. Du choix des matériaux à la gestion des déchets en passant par le transport des matériaux en tant que telle, les émissions carbone du BTP sont significatives. Plus positif, les potentiels de réduction d’impact le sont également.

Conscient de l’ampleur du sujet, le secteur du BTP s’oriente de plus en plus vers une démarche éco-responsable, que ce soit sous l’incitation de la réglementation avec la loi AGEC publiée en 2020 et dont les décrets entrent progressivement en application, ou proactivement par les acteurs de la filière, avec la publication de feuille de route par les majors sur leur ambition environnementale, ou l’organisation d’évènements thématiques comme #acteurspourlaplanète organisé par la FNTP en Février 2022 pour mettre en avant les innovations et solutions développées par les acteurs de la filière, du major à la startup en passant par les PME, au travers de multiples collaborations.

Des solutions innovantes émergent

Il y a plusieurs vecteurs d’actions : le choix des matériaux, l’optimisation de la stratégie de transport, et la stratégie de revalorisation dans une démarche d’économie circulaire.

Prenons l’exemple du ciment dont la fabrication est un processus lourd et complexe représentant 7% des émissions mondiales de CO2 selon la GCAA. De surcroît, son extraction et son transport amplifient encore son impact.

Pour les différents matériaux, de nombreuses initiatives peuvent être cités, toutes œuvrant pour alléger l’empreinte écologique de la fabrication des matériaux de construction. En reprenant l’exemples du ciment, l’entreprise Hoffmann green Cement Technologies produit un ciment écologique à base de déchets industriels générés en France. D’autres entreprises comme Néolithe propose du béton écologique avec une promesse de réduction de 5% des émissions françaises de CO2 avec l’idée de transformer les déchets ménagers en granulats pour les bâtiments de demain.

Un autre axe d’impact prend de plus en plus d’importance : l’économie circulaire. Un exemple est l’utilisation des ressources naturelles comme le sable ou les gravillons et de profiter de la démolition des constructions en fin de vie pour fabriquer du ciment. Étant donné que la demande de matériaux doit doubler d’ici 2060 selon l’OCDE, le recyclage des déchets de bâtiment devrait être rapidement généralisé.

Enfin un dernier facteur non négligeable est l’optimisation et la décarbonation du transport. Dans sa feuille de route, Vinci estime par exemple que 44% de son impact direct vient du transport. Or il existe aujourd’hui plusieurs types de carburant répondant aux exigences écologiques comme l’hydrogène vert ou le gaz naturel. Les véhicules électriques sont également une solution prometteuse, la première contrainte reste le manque d’autonomie. Certains outils d’aide à la logistique permettent de limiter les déplacements des camions à vide ou d’optimiser le remplissage des camions pour réduire leur nombre. Les lieux de réapprovisionnement en matières premières peuvent aussi jouer un rôle essentiel : la mise en place d’un maillage fin du territoire avec des plateformes de revalorisation permettra de réduire significativement les distances actuellement parcourues.

Quelles sont les barrières qui freinent encore l’adoption de ces nouvelles pratiques ?

La mise en place de ces solutions paraît désormais évidente. Cependant, si c’était si simple, elles seraient déjà généralisées. Il existe encore des freins à la mise en place de ces solutions.

La difficulté principale, pour le secteur du BTP, et qui lui est spécifique, réside dans la multiplicité des acteurs et des rôles, la multiplicité des lieux, la multiplicité des situations et des solutions disponibles. Dans un environnement où les marges sont très faibles, le choix de la mauvaise solution peut faire passer d’un contrat rentable à un contrat déficitaire. Il y a donc un enjeu énorme à disposer de la bonne information au bon moment pour prendre la décision adaptée lorsque le choix se présente sur le terrain.

En théorie, la revalorisation ou la réutilisation des déchets permet de créer un nouveau produit de qualité égale ou supérieure. De cette façon, les déchets deviennent des matières premières secondaires qui permettent aux entreprises du BTP de limiter les pertes en matériaux et de réduire considérablement le coût de certains chantiers.

En pratique cependant, une grande partie des matériaux revalorisés coûtent chers : les efforts nécessaires pour identifier la disponibilité de ces matériaux issus d’un chantier source à la période où ils seront utilisés par le chantier de revalorisation freinent l’adoption. Il faut également envisager une zone de stockage si les dates ne correspondent pas, ce double mouvement peut suffire à supprimer l’intérêt économique de l’opération. D’autre part, le manque de confiance dans la traçabilité et la qualité des matériaux issues du premier site introduisent un facteur de risque pour celui qui les réutilisent. Enfin le coût et la disponibilité des transporteurs pour les amener d’un site à l’autre est encore à prendre en compte.

Du côté du transport, il n’est par exemple pas si simple, en fonction de la localisation du chantier générateur de déchet de savoir s’il faut aller plus loin revaloriser des déchets, mais à des coûts (environnementaux et financiers) plus élevés, ou s’il faut les mettre à la déchetterie juste à côté. Comment prendre facilement ces décisions ? L’industrie a besoin de pouvoir faire ces calculs simplement, sans consulter systématiquement des experts de l’impact pour toutes les petites décisions du quotidien.

Vers des solutions digitales et une sensibilisation plus large

Depuis le 1er janvier 2022, l’État impose à l’écosystème du BTP le partage des données de traçabilité des déchets du BTP, dont les terres, les produits de démolition et des sédiments dans un registre national des déchets. Le but principal de cette loi est de limiter le gaspillage et favoriser l’économie circulaire.

L’un des avantages les plus importants de la traçabilité des déchets est qu’elle permet de restaurer la confiance dans la qualité des matériaux d’une part, et qu’elle informe sur leur disponibilité en temps réel d’autre part. Et en parallèle de l’exigence réglementaire, des solutions sont apparues. Il existe désormais des outils pour faciliter cette traçabilité au quotidien pour les acteurs de chantiers.

Chez Altaroad, nous proposons une plateforme de traçabilité des flux entrants et sortants couplées à des moyens de collecte de preuves (caméras, système de pesée) pour que les informations sur ces flux déchets, matériaux, transports soient accessibles en temps réel par toutes les personnes concernées, qu’elles soient sur site ou non. Au-delà de permettre de répondre facilement aux exigences réglementaires, l’automatisation de cette traçabilité permet de prendre des décisions en temps réel, qui sont à la fois génératrices d’économies financières et environnementales.

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Les innovations derrière cette solution, co-construite avec les acteurs sur le terrain, permettent une collecte pratique, fiable et systématique des données. Elle permet de prendre les décisions de traitement par type de matériau et d’avoir une maîtrise quant à la bonne destination des déchets d’un chantier.

D’autres plateformes contribuent à faciliter l’achat et la vente de matériel de chantier selon le besoin de chaque entreprise, un modèle collaboratif et très intéressant d’économie circulaire. La start up Backacia à titre d’exemple intervient pour que les matériaux récupérés soient stockés précautionneusement sur place plutôt que de les jeter dans une benne ou de les détruire. La start up joue également l’intermédiaire entre les matériaux récupérés et les éventuels acheteurs, tous professionnels.

Enfin d’autres acteurs encore permettent la mise en relation et la gestion dématérialisée du transport comme la solution MyBen, qui met en relation des transporteurs spécialisés dans le vrac, et des entreprises ayant besoin d’évacuer leurs matériaux et déchets en bennes TP.

La mesure de l’impact du chantier : passer au temps réel en utilisant une base de référence ?

Aujourd’hui, la mesure de l’impact environnemental d’un chantier est estimée (lorsqu’elle l’est) d’abord en amont du chantier, en phase d’appel d’offre, alors que tous les paramètres du chantier ne sont pas encore déterminés. Comme il n’existe pas de base de données de référence, ces estimations sont faites à partir de la connaissance de personnes disponibles sur des chantiers se rapprochant. C’est donc loin d’être systématique.

Un bilan final peut être également réalisé à la fin du chantier. C’est alors un travail d’archéologue pour le responsable de cette étude pour retrouver dans les bordereaux et les excels tout l’historique des approvisionnements et expéditions depuis le chantier, ainsi que la consommation sur site. De nouveau, la vue est très partielle.

Mais en se basant sur la traçabilité des entrants / sortants justement mise en place dans les démarches de traçabilité liées à l’économie circulaire, il devient possible de générer une image en temps réel de l’évolution de cet impact, d’avoir une vision précise par rapport à une estimation initiale et d’en mesurer les dérives.

Plus utile encore, et un retour d’expérience de l’utilisation de la solution Altaroad, la disponibilité de cette information en temps réel pour différents profils du chantier, permet de prendre des décisions communes multi critères et des actions correctives. Par exemple, le choix d’un fournisseur moins cher de quelques centimes à la tonne mais significativement plus éloignés, qui aujourd’hui pourrait être décidé de manière unilatérale pour des raisons d’optimisation économique, devient immédiatement visible pour le responsable QSE, permettant ainsi la discussion sur sa pertinence, au lieu de le constater des mois après, quand plus aucune action n’est possible.

Enfin, la génération systématique de données sur les chantiers permet de constituer une base de connaissances permettant un cercle vertueux d’estimation pour les phases suivantes, et une source d’amélioration continue.

Sources :

LOI n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

La demande en matériaux va doubler d’ici 2060, sables et graviers en tête – novathic.fr

Le béton-ciment, troisième « pays » des émissions de gaz à effet de serre – geo.fr

 


 

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