Quelques enseignements du picking robotisé
Si les 10 dernières années ont été révolutionnaires pour l’industrie de la Supply Chain, la prochaine décennie sera encore plus dynamique. Selon une étude de Reportlinker, le marché mondial des solutions d’IA pour la logistique augmentera d’un TCAC de 39,6% entre 2020 et 2027[1]. Une telle croissance des investissements entraînera des changements constants dans les opérations et les processus des entrepôts, menant progressivement à l’automatisation complète.
Par ailleurs, l’approche consistant à accroître l’automatisation d’entrepôts existants sera certainement essentielle pour de nombreux opérateurs afin de ne pas différer la modernisation de la Supply Chain jusqu’à l’arrivée d’un nouvel entrepôt. Avec cette approche dite « brownfield », l’évolution des opérations est plus facile à contrôler, même si elle reste complexe.
Pour s’y préparer, je propose ci-dessous quelques bonnes pratiques qui peuvent rendre l’automatisation des entrepôts plus accessible. J’utiliserai des exemples concrets du domaine du picking robotisé, qui est la prochaine grande étape de l’intralogistique, et permettent, j’espère, de tirer quelques leçons utiles.
Règle n°1 : Se focaliser d’abord sur un processus ou un ensemble de SKUs spécifique
Cela peut sembler évident, mais la première étape d’un projet d’automatisation consiste à analyser quelle partie du processus ou quel ensemble de SKUs doit faire l’objet d’une automatisation plus poussée. Les solutions robotiques s’améliorent chaque jour, mais elles ne peuvent pas encore gérer toutes sortes de use case ou tous types de produits. Il serait naïf de s’attendre à ce qu’une nouvelle technologie puisse être adoptée et améliorer le flux de tous vos SKUs du jour au lendemain. Il est donc essentiel de définir un périmètre précis pour l’itération et l’amélioration progressive des opérations. Cela vaut pour tout type d’innovation mis en œuvre dans l’entrepôt.
Par exemple, dans le piece-picking robotisé, pour chaque nouveau client, il est essentiel d’analyser les SKUs à traiter pour déterminer celles qui pourront être gérées par le robot et celles qui ne le seront pas. C’est la première phase de tous nos projets chez Nomagic, et cela se fait avec un outil dédié que nous appelons le « Product Scout ». Le Product Scout prend essentiellement des photos des SKUs vendues au cours d’une période donnée et analyse leur forme, leur position et leurs caractéristiques pour déterminer si elles peuvent être gérées par le picking robotisé.
Se concentrer sur un plus petit nombre de SKU à la fois apporte l’avantage que nous pouvons rapidement atteindre les KPIs cibles tels que le « throughput » du système ou son autonomie et rendre la solution viable pour des opérations en continu. Après ce calibrage initial et une fois le premier robot en bonne voie, nous pouvons passer à d’autres catégories de SKUs et déployer progressivement plus de robots.
Règle n°2 : Valider en production dès que possible
Il y a beaucoup d’innovations dans l’industrie de l’intralogistique et vous êtes sûrement souvent surpris de ce que vous voyez lors de diverses conférences et événements. Mais – en reprenant notre exemple – les démos de picking robotisé au cours de conférences n’ont aucune valeur, surtout si elles proviennent de fournisseurs qui ne peuvent pas démontrer une réelle expérience de la production. Un environnement de test isolé ne vous en dira pas beaucoup sur les performances réelles du robot dans un entrepôt. Cela est vrai en partie parce que chaque use case est différent, et les types d’exceptions rencontrées peuvent grandement varier. Les positions du bac de picking, le type d’articles manipulés, le type de dépose ou d’emballage de produit – le nombre de combinaisons est infini.
Pour cette raison, il est essentiel de bien identifier d’abord vos besoins, puis de rechercher un fournisseur qui a déjà une certaine expérience de la production avec des use cases comparables. Sinon, si vous partez tous les deux de zéro, beaucoup de temps et d’efforts seront gaspillés avant d’obtenir des résultats satisfaisants.
Cependant, un problème avec les tests en production est le coût de ces tests. Il faut identifier le bon fournisseur et définir ensemble des processus pour pouvoir mettre en place un test sans avoir à investir des centaines de milliers d’euros. C’est exactement ce qui nous a poussé chez Nomagic à développer un système dédié pour que nos robots interagissent directement avec l’écran de l’opérateur d’une station goods-to-person, supprimant ainsi le besoin d’intégration WMS pendant la phase pilote. Grâce à cette approche, nous pouvons nous concentrer principalement pendant la phase pilote sur la montée en cadence du système sur l’ensemble de SKUs sélectionnés (règle n° 1 !) et travailler sur l’intégration WMS plus tard.
Règle n°3 : Investissez dans les opérations à distance
Enfin, la caractéristique la plus importante d’un système entièrement automatisé est son autonomie. Mais comme les entrepôts intègrent de plus en plus de systèmes qui utilisent l’apprentissage automatique et tendent à s’améliorer avec le temps, l’autonomie ne doit pas être considérée comme acquise mais plutôt comme le résultat du processus d’intégration et d’adaptation. Comme expliqué avec le processus de sélection des SKU (voir Règle #1), le système de picking ne peut devenir autonome que progressivement. Et le principal KPI utilisé pour mesurer cette autonomie est le taux d’intervention ou la fréquence à laquelle une personne doit s’occuper du système.
Compte tenu de l’amélioration progressive du système, la configuration initiale et la montée en cadence peuvent nécessiter un certain temps et des interventions de votre part ou de celle de votre fournisseur. Le remède n’est pas de trouver un fournisseur qui peut promettre que cela n’arrivera pas et que son système d’apprentissage automatique sera correct dès le premier jour. La meilleure solution est de mettre en place un système de gestion des opérations à distance qui élimine le besoin d’interventions sur site. Cela signifie investir dans un processus par lequel des personnes peuvent intervenir sur le système automatisé (pour nous un robot) sans avoir à se rendre sur site.
La façon dont nous gérons cela chez Nomagic est d’avoir nos propres opérateurs à distance, appelés « watchers », qui surveillent à distance les mouvements de n’importe quel robot chez nos clients. Notre système de communication propriétaire robot-watcher alerte le « watcher » chaque fois que le robot rencontre un problème et lui permet de prendre le contrôle du bras robotisé et de supprimer l’obstacle ou de placer l’objet d’une manière différente. Pour chacun de cas d’intervention à distance, de nombreuses photos et vidéos sont stockées et des données de positionnement détaillées sont enregistrées pour que les ingénieurs les analysent après coup et puissent rendre le système résilient de manière autonome dans le cas en question. Une grande majorité des problèmes peuvent être traités de cette manière simple, ce qui réduit considérablement le nombre d’interventions sur site, se traduit par une meilleure disponibilité et rend progressivement le système 100% automatisé.
Conclusion : Progressivement vers des entrepôts lights out…
L’objectif final de l’automatisation des entrepôts, qui est l’entrepôt « lights out », n’est pas quelque chose qui se produira demain. Cependant, quand ce sera le cas, ce ne sera pas dans le laboratoire d’une startup de robotique ou dans le centre de développement d’un intégrateur. Cela devra se passer dans un entrepôt de production avec de vrais produits, de vrais ingénieurs projet, pour une partie sélectionnée du processus (Règle #1), après une validation minutieuse sur site (Règle #2) et grâce au support d’opérateurs à distance (Règle #3). La nature itérative de telles solutions signifie que ceux qui se donnent plus de temps pour adapter une solution à leurs besoins en récolteront le plus de fruits. J’espère que l’approche que j’ai décrite ici contribuera à rendre ce processus relativement fluide et pourra servir de bonne référence pour l’introduction de l’automatisation complète des entrepôts, en particulier pour les entrepôts existants qui peuvent encore être automatisés davantage.
[1]https://www.reportlinker.com/p06030748/Global-Artificial-Intelligence-AI-in-Supply-Chain-Industry.html
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