Supply Chain post-COVID – faire rebondir l’Europe en Afrique ?

Avis d'expert

Driss JABAR, Fondateur & CEO, CloudFret
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Une forte croissance aux portes d’un marché Européen saturé

A l’heure où beaucoup s’interrogent en Europe sur comment rebondir dans un monde post-COVID, l’Afrique constitue un marché de proximité prometteur tant au niveau de la croissance démographique qu’économique, même s’il reste méconnu. L’émergence de la classe moyenne dans les communautés urbaines a conduit à une augmentation notable de la demande en bien de consommation et des réseaux de distribution.

Sur le plan démographique, le continent compte aujourd’hui près d’un milliard d’habitants contre 670 millions en 2000. D’après les prévisions de la Banque Africaine de Développement, la population devrait atteindre 1,3 milliards de personnes en 2030 et 2,5 milliards de personnes en 2060, soit pratiquement 25% de la population mondiale avec une moyenne d’âge de 25 ans, autant de jeunes actifs souhaitant avant tout trouver un travail, consommer biens et services modernes sans avoir à traverser la Méditerranée.

Par ailleurs, à quelques kilomètres de distance seulement, l’économie africaine connaît une croissance fulgurante : d’après Frost and Sullivan (2019), le volume des échanges en Afrique sub-saharienne quadruplera d’ici 2030, passant de 376 millions de tonnes (2009) à 1.18 milliards de tonnes (2030), soit une augmentation de 345%.

Au-delà des aprioris et des fantasmes, l’Afrique progresse (vite !)

Pendant qu’en Europe et plus particulièrement en France on essaie de faire la paix avec l’histoire du colonialisme en cherchant de nouvelles pistes de collaboration win-win pour renouer des liens plus sereins avec la ‘MamaAfrica’, et bien l’Afrique n’attend pas. Elle avance. Prenons l’exemple du Maroc (considéré encore par certains comme un pays sous-développé) qui a pu administrer deux fois plus de doses de vaccin anti-COVID que la France aujourd’hui! Une des clés de ce résultat stupéfiant est l’agilité de la chaine logistique dans ce pays du nord de l’Afrique et qui demain pourrait être la porte d’entrée de l’Europe vers l’Afrique.

Au-delà des clichés, des aprioris, et des jugements qui entachent souvent l’image et la perception de fiabilité des acteurs en Afrique, la réalité est toute autre. Oui, il existe des entreprises peu fiables (mais on en trouve ailleurs également). Oui, c’est un continent qui vit en grande partie d’une économie informelle … mais sur le terrain, on s’aperçoit surtout de la richesse, la qualité et la maîtrise des ressources humaines locales. Tout aussi passionnées, impliquées, et innovantes qu’ailleurs, et qui sont les acteurs de la mutation économique rapide de la région.

L’Afrique, nouveau hub logistique mondial ?

Un rêve vieux de plus de soixante ans est devenu réalité il y a quelques semaines à peine, avec l’activation du marché commun africain (ZLECA – Zone de Libre-échange Continentale Africaine) le 1er Janvier 2021. Ce marché commun constitue une énorme opportunité qui va booster la croissance du secteur logistique intra-africain de 300% sur les 3 prochaines années. Ceci aura par extension un impact direct sur la croissance des échanges internationaux et plus particulièrement avec l’Europe.

Le marché du transport routier de marchandises en Afrique représente plus de 450 Mds€ d’opportunité. Or, il s’agit aujourd’hui d’un secteur peu efficient, opaque et très fragmenté (environ 600’000 sociétés de transport, dont 90 % avec moins de trois camions). Par conséquent, ce secteur est plus compliqué à appréhender par les grands acteurs de la supply chain européenne.

Avec l’avènement de l’internet et du téléphone mobile, et même si le marché est loin d’être mature, nombreux sont les signes intéressants de changement. Les petits acteurs se structurent et s’organisent pour pouvoir mutualiser des offres de transport et améliorer la qualité des prestations. Ces derniers mois marquent notamment l’émergence de success stories africaines qui attirent les investisseurs asiatiques comme KOBO360 (Nigeria, 30M$) ou Lori System (Kenya, 30M$).

A sa porte, l’Europe a devant elle une réelle opportunité à saisir pour rebondir économiquement post-COVID. Une des clés pour pouvoir développer la supply chain Européenne en Afrique c’est de pouvoir proposer une offre compétitive au niveau tarifaire car l’Afrique reste un marché émergent avec des moyens limités. Comment ?

Un transport routier durable et responsable !

Entre compétitivité tarifaire et responsabilité écologique, il n’y a pas forcément lieu de choisir.

De nombreux camions transitent tous les jours à vide entre les deux rives de la Méditerranée. En grande partie, car ils ne disposent pas des guichets ou représentants commerciaux leur permettant de trouver des expéditeurs Européens vers l’Afrique. Si les acteurs de la Supply Chain en Europe ne veulent pas rater ce virage, il me semble que remplir ces camions circulant à vide, restera dans la vaste majorité des cas plus intéressant que d’affréter des transports dédiés, comme c’est le cas pour beaucoup d’acteurs classiques sur ce corridor Europe-Afrique.

C’est l’objet de mon projet CloudFret. Aujourd’hui 1 000 000 de camions transitent à vide chaque année. Nos premiers résultats démontrent que l’offre de transport routier en optimisant les trajets à vide peut être une alternative pertinente et compétitive, que ce soit par rapport au transport maritime ou routier conventionnels. Par exemple un trajet Anvers-Dakar par voie maritime (porte à porte) demandera entre 3 à 5 semaines. Par la route, cela ne prend que 7 jours en moyenne. Par rapport à un transport routier dédié, nos résultats démontrent des économies de coût de l’ordre de 20%.

L’avantage écologique clair est de limiter les kilomètres parcourus à vide par ces nombreux camions, permettant de réduire l’empreinte carbone de toute la filière, en attendant l’émergence de nouvelle technologies (EV, hydrogène, etc.).

Visuel article CloudFret Supply Chain post covid pour le blog de SprintProject
Un tiers des camions avec retour à vide !

Au-delà d’une idée intéressante, un impact écologique significatif

L’optimisation de ne serait-ce que 100 000 camions sur le million de camions transitant à vide, aurait un impact non négligeable sur l’empreinte carbone d’un secteur toujours plus surveillé et qui pèse près de 24% des émissions globales de CO2.

Nous estimons que de remplir ces camions permettrait de réduire les émissions du secteur de 744 000 tonnes de CO2 par an. Cela est équivalent à :

  • La consommation énergétique annuelle d’une ville française de 63.000 habitants, comme Troyes, Quimper, Villeneuve d’Ascq, ou Neuilly-sur-Seine,
  • Retirer environ 600.000 véhicules thermiques tous les ans de la circulation dans Paris
  • 12 000 nouveaux véhicules électriques sur nos routes (soit le nombre de nouveaux véhicules immatriculés en 2020 en France)

Que vous soyez expéditeurs, transporteurs ou professionnels du secteur, aujourd’hui je suis activement à la recherche de partenaires afin d’agir collectivement pour décarboner l’industrie du transport routier de marchandises. En pleine croissance et levée de fonds, nous recrutons également activement (commerciaux, affréteurs, développeurs, et personnes talentueuses)


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