La livraison urbaine, un secteur d’avenir

Avis d'expert

Augustin DOUMBE, Président, Delivery Academy
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Alors que le secteur de la livraison urbaine explose, il est également soumis à de nombreuses polémiques. Entre conditions de travail discutables et impact environnemental pas toujours maîtrisé, la livraison du dernier kilomètre trace son chemin.

 

Une croissance fulgurante qui cache une réelle problématique environnementale

 

En 2019, le chiffre d’affaire du e-commerce passe le cap symbolique des 100 milliards d’euros en France, soit plus de 500 millions de colis livrés. En plein essor depuis une dizaine d’années, la livraison du dernier kilomètre jouit d’une croissance d’environ 10 % par an. Aujourd’hui, le secteur de la logistique représente 11 % de l’emploi français et près de 1,6 million d’emplois. Selon Pôle Emploi, ce secteur d’activité devrait créer environ 540 000 postes d’ici 2022. Seulement voilà, cette croissance exponentielle s’accompagne aussi d’un lourd bilan écologique. D’une part, l’augmentation des livraisons implique une densification du trafic urbain contribuant à la progression de la pollution. Par ailleurs, côté consommateur, l’avènement du e-commerce couplé à la démocratisation de la livraison à domicile génère un flot infini de commandes. Les consommateurs ne prennent plus la peine de grouper leurs achats et reçoivent un nouveau colis tous les jours ! Cette tendance à la surconsommation n’est pas sans impact sur l’empreinte carbone. Pour la réduire, il existe des alternatives de plus en plus encouragées comme la relocalisation et le made in France. Il s’agit donc de remettre de l’éthique dans la livraison urbaine. Pour cela, l’activité doit répondre à un ensemble de critères environnementaux, mais aussi sociaux.

 

La livraison urbaine ou l’esclave 2.0 

 

Le modèle économique actuel force les acteurs de la livraison à simplifier leur modèle en ayant recours à des autoentrepreneurs par souci de flexibilité économique. Séduit par l’idée d’être son propre patron et d’avoir des horaires flexibles, le livreur auto entrepreneur déchante vite face à des conditions de travail déshumanisées qui mettent en péril les droits des travailleurs. Les livreurs sont payés à aller le plus vite et le plus loin possible, quitte à se mettre en danger. En moyenne, un livreur effectue deux livraisons par heure et chaque livraison est soumise à une commission. On estime aujourd’hui que les 3/4 des livreurs autoentrepreneurs sont des étrangers sans papier. Pour les rares livreurs salariés, la situation n’est pas glorieuse non plus, peu considérés par les entreprises, ils n’ont quasiment aucune perspective d’évolution de carrière. Et la crise du Covid-19 n’a fait que renforcer une situation déjà extrêmement précaire. Travailleurs surexposés, les livreurs se sont retrouvés en première ligne durant le confinement et parfois même contraints d’ignorer les restrictions sanitaires en vigueur. Pour que les livreurs puissent gagner leurs vies décemment, il est indispensable de réviser leurs conditions de travail, mais légiférer à ce sujet prend du temps, car il faut être en mesure de sécuriser les deux parties. Il s’agit donc trouver des solutions qui offrent la possibilité aux livreurs de travailler sereinement et aux acteurs de la livraison de pouvoir se marger correctement. De plus en plus de starts-up prennent conscience de ce sujet et initie des actions multiples afin de proposer des packages plus confortables aux livreurs.

 

Comment répondre aux enjeux environnementaux et sociaux de la livraison urbaine ?

 

Pour réduire l’impact environnemental, les entreprises peuvent miser sur des entrepôts de proximité afin simplifier les chaînes de livraison ainsi que sur la mutualisation des commandes. La mutualisation est un enjeu clé. Pour y parvenir, il convient de faire de la pédagogie sur les nouveaux modes de consommation afin que les consommateurs prennent conscience de leur empreinte carbone et s’engagent à la réduire en globalisant leur commande. Du côté des acteurs de la livraison, il s’agit d’être le plus pragmatique possible, notamment en investissant dans les véhicules green et en étant capable de déployer une politique de proximité avec les entrepôts. Enfin, concernant l’aspect social, le chantier est vaste. Pour assurer aux livreurs un avenir professionnel serein, il est primordial de sensibiliser l’ensemble des acteurs qui font appel à des autoentrepreneurs par flexibilité économique aux problématiques engendrées par ce système. Il est évident qu’internaliser la chaîne de production représente un investissement massif et que, de ce fait, bons nombres d’entreprises ne peuvent pas se permettre d’avoir leur propre flotte de livreurs. Pour autant, en prenant conscience de l’ampleur des difficultés auxquelles les livreurs auto entrepreneurs sont confrontés, les entreprises et acteurs de la livraison doivent réajuster leurs conditions de travail en connaissance de cause, ce qui passe notamment par une revalorisation salariale. Le secteur de la livraison urbaine, qui constitue déjà un formidable vecteur d’opportunités de carrière, a tout à gagner en opérant une transformation vers une activité plus éthique !

 

Demain, tous livrés par drone ?

 

Qui n’a pas rêvé de voir son colis atterrir directement devant sa porte comme par magie ? Ces dernières années, grâce aux drones dédiés aux livraisons, des expériences grandeur nature se sont multipliées partout dans le monde pour rendre ce fantasme possible. Le concept de livraison de colis par drone devient peu à peu une réalité. Et la pandémie de Covid-19 ne fait qu’amplifier ce phénomène. En effet, les conditions de vie actuelles ont considérablement accru la demande de la livraison à domicile, notamment pour les courses et les repas. Si la plupart des sociétés font appel à des chauffeurs livreurs, certaines parient désormais sur les drones autonomes pour la livraison du dernier kilomètre. Aux États-Unis, Walmart annonce ainsi le début d’un programme de livraison par drone de kits de dépistage du Covid-19 alors que le géant Amazon, toujours en quête de plus de rapidité et d’efficacité, vient d’obtenir une licence pour tester sa livraison par drone à grande échelle avec pour objectif de proposer une livraison en 30 minutes. En France, c’est DPDgroup qui innove, en déployant la solution « Assistant du Livreur » ou un drone est utilisé de façon complémentaire pour réaliser des livraisons dans des zones difficilement accessibles.

 

Entre utopie et tendance de fond

 

L’usage du drone présente des avantages non négligeables. Il permet au livreur de gagner du temps et prendre moins de risques lorsque les routes sont dangereuses, en particulier l’hiver ou dans les régions montagneuses. Pour le consommateur, c’est aussi la garantie de recevoir son colis rapidement, quelles que soient les conditions climatiques. Dans les zones reculées et isolées, la pertinence de la livraison par drone n’est plus à prouver. C’est notamment le cas en Afrique ou la société Zipline a développé la livraison de médicaments par drones afin de faciliter l’approvisionnement de centres médicaux de régions difficiles d’accès. Utilisée de façon ponctuelle et ciblée, la livraison par drone est un formidable outil. En revanche, contrairement à ce que l’on pourrait penser l’argument écologique est loin d’être avéré. Une étude de l’université allemande Martin Luther a même révélé que, dans les zones urbaines denses, les drones de livraison ont une consommation d’énergie jusqu’à 10 fois plus importante que celle des camionnettes électriques. Le drone ne sera donc pas l’outil principal de la transition écologique, d’autant que son utilisation pose aussi la question de la surconsommation. Aussi, en termes de productivité, un drone est-il vraiment rentable s’il ne peut pas transporter plus de 25 kilos de marchandises ? Et quid du sujet de la sécurité ? Comment différencier un drone livreur d’un drone-espion ? De nombreuses questions, qui restent jusqu’alors, sans réponse…

 

Vers une déshumanisation de la livraison ?

 

Bien que la livraison par drone soit un véritable atout concurrentiel sur le terrain de l’innovation, qu’en est-il de l’impact social des drones qui déshumanisent le travail des livreurs et questionne finalement sur leur vocation. Le drone est-il l’avenir de la livraison ? Est-il voué à remplacer l’humain ? Si la réponse est non, du moins pour le moment, il convient quand même de s’interroger sur l’impact social d’une telle avancée technologique. Malgré ses qualités évidentes, les consommateurs n’ont pas attendu le drone pour jeter leur dévolu sur la livraison comme mode de consommation de prédilection. D’autre part, le secteur de la livraison compte parmi ceux qui embauchent le plus actuellement. Alors le drone est-il un vraiment une concurrence pour les livreurs urbains ? Est-ce que les livreurs de demain sont des futurs pilotes de drone ? Toutes ces questions soulèvent des problématiques concernant les opportunités d’évolution de la profession de livreur et la notion d’une meilleure conciliation entre les compétences humaines et les machines. À ce stade, la livraison par drone reste très embryonnaire, voire un brin utopique. C’est plus un sujet de communication, qu’une tendance pérenne. Aujourd’hui, la perspective d’une flotte de drones livreurs d’ici 5 ans semble peu envisageable et c’est sûrement pour le mieux. Cependant, il y a fort à parier que la prochaine étape du secteur de la livraison consistera en une utilisation de l’innovation à des fins d’optimisation de l’expérience client. C’est ça l’avenir de la livraison !

 

En attendant, plusieurs alternatives écologiques sont en cours de déploiement à grande échelle. Nous parlons évidemment du vélo cargo, du scooter électrique, du vélo électrique (Vélyvelo), de la livraison à pieds, en trottinette et bien d’autres solutions green qui nécessitent tout de même un humain pour la conduite.

 


 

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