Hydrogène et transport de marchandises : la route est tracée

Avis d'expert

Fabio Ferrari, DG de Symbio et 1er Vice-président de l’AFHYPAC
Publié le :
Mis à jour le :

En matière de transition énergétique, la période actuelle à certainement des airs ubuesques pour de nombreux acteurs du transport de marchandises et de la logistique urbaine. Personne en effet ne niera l’impact de leur secteur sur les émissions en tout genre et autres nuisances sonores, ainsi que leur forte dépendance aux énergies fossiles (+ de 90% aujourd’hui). Personne non plus ne remettra en cause la pertinence économique et environnementale des objectifs de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015 – notamment celui de porter à 15% la part des énergies renouvelables dans les carburants d’ici à 2030 – ni même les mesures prises par certains maires pour lutter contre la pollution urbaine. Et globalement les acteurs du secteur sont partants pour faire de cette transition énergétique une réalité – au-delà d’un intérêt en termes d’image, les exigences de leurs clients sont celles d’un « verdissement » des véhicules utilisés pour livrer leurs marchandises.

Mais le peuvent-ils vraiment ? A ce jour, beaucoup de ceux qui seraient prêts à en finir avec les énergies fossiles – et à faire le grand saut dans la mobilité zéro-émission – ont en effet le sentiment de se lancer avec, sur le dos, un parachute troué de questions, et aux pieds un budget déjà bien alourdi. Les véhicules disponibles peuvent-ils en effet remplacer les modèles thermiques aujourd’hui utilisés sans être livrés avec un lot de contraintes fortes (de type modification nécessaire des trajets des véhicules pour ne pas tomber en rade d’électricité…) ? Quid des coûts de cette transition alors que les marges sont déjà faibles ?

Face à ces interrogations, deux certitudes. La première est que la mobilité électrique – batterie et hydrogène – est appelée, à court terme, à se développer dans le transport urbain de marchandises. Elle est en effet la seule à offrir une assurance de libre circulation en ville quelle que soit l’évolution des contraintes règlementaires (multiplication des zones à ultra-basses émissions, péages urbains avec tarifs différenciés selon les émissions des véhicules etc.). Elle fait déjà, d’ailleurs, ses premiers pas : sur le segment des utilitaires légers, les véhicules à batterie comme la Kangoo ZE se répandent en version « batterie seule » pour les petits trajets répétitifs de type « tournée du facteur ». Les professionnels qui effectuent de trajets un peu plus longs, moins répétitifs, et qui exigent surtout de faire le plein aussi rapidement qu’avec un véhicule essence ou diesel, ont quant à eux à disposition la version batterie + hydrogène (Kangoo ZE H2). Près de 300 sont aujourd’hui en circulation.

L’offre, par ailleurs, s’étend : Renault Trucks a récemment dévoilé sa deuxième génération de camions électriques, dont deux modèles (3,5 tonnes et 16 tonnes) destinés au transport de marchandises en zones urbaines. Volvo Trucks promet aussi de nouveaux véhicules fin 2019. Nul doute que leurs homologues à hydrogène suivront, pour répondre à tous les usages et garantir la liberté du diesel, mais en zéro-émission. Symbio a ainsi récemment lancé une pile à hydrogène de 40 kW, idéale pour les modèles destinés au transport de marchandises.

Deuxième certitude : les acteurs de la supply chain peuvent jouer un rôle clef pour que ces véhicules électriques hydrogène leur soit proposés à un prix acceptable. Le plan de développement de la filière annoncé par Nicolas Hulot le 1er juin valorise en effet les déploiements de véhicules hydrogène pilotés par les régions, appuyés par des modèles économiques solides, dans lesquels carburant et véhicules sont proposés à des prix acceptables par les usagers (sur le modèle du projet Zero Emission Valley, en Auvergne Rhône-Alpes, qui prévoit 1000 véhicules et 20 stations à horizon 2020). Plusieurs régions devraient saisir cette opportunité dès cette année (Bourgogne Franche-Comté, Ile-de-France, Hauts-de-France etc.). En notifiant aux responsables publics régionaux leur intérêt pour ces déploiements et leur souhait de compter parmi leurs parties prenantes, les acteurs de la supply chain peuvent les accélérer, rassurer sur la demande de véhicules, et de ce fait peser à la baisse sur les prix. Hydrogène et transport de marchandises, la route est tracée. Reste à choisir désormais si cette dernière a plutôt un air de chemin de campagne… ou d’autoroute.


Consulter tous les articles « Avis d’expert » sur le blog de SprintProject 

NEWSLETTER SPRINTPROJECT

S'inscrire à la Newsletter

L'innovation, de la réflexion à la mise en oeuvre

Vous affirmez avoir pris connaissance de notre politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment à l'aide des liens de désinscription ou en nous contactant à contact@sprint-project.com

Une question ?
Un avis ?